Usage détourné de la prégabaline : à propos de trois cas de décès en région marseillaise - 20/11/20
Résumé |
Objectifs |
La prégabaline (Lyrica®) est indiquée chez l’adulte dans le traitement de l’épilepsie, des douleurs neuropathiques et de certains troubles anxieux. Bien que récent, l’usage détourné de cette molécule, seule ou en association avec d’autres composés psychoactifs, connait un développement notable (hausse des demandes de prescription en détention, existence de marchés de rue) du fait de ses effets euphorisants aux fortes doses [1 ]. Dans ce contexte, nous rapportons trois cas de décès pour lesquels l’analyse toxicologique met en évidence la prise concomitante de prégabaline et d’autres substances récréatives, discutons de la participation de ces associations dans le processus létal.
Méthode |
Les trois victimes (une femme de 51 ans [cas 1] et deux hommes de 30 et 43 ans [cas 2 et 3]), bien insérés socialement, ont été retrouvées à leur domicile. Dans leurs antécédents, il est noté une addiction à la cocaïne associée à la prise à visée récréative d’autres dépresseurs du système nerveux central (méthadone, clonazépam, prégabaline, quétiapine et/ou alcool). L’autopsie a mis en évidence un syndrome asphyxique avec congestion viscérale chez l’ensemble des victimes. Les prélèvements toxicologiques usuels ont été effectués. Ont été réalisés dans le sang périphérique une recherche large des principes actifs et/ou leurs métabolites de médicaments et autres toxiques par LC-MSHR après précipitation par l’acide sulfosalicylique et extraction en ligne dans une colonne de type HLB (RichevalC, Thèse de l’Université de Lille, Lille, Septembre 2018), complété par une recherche des stupéfiants par LC-MS/MS. Le dosage des alcools a été réalisé par HS-GC/FID.
Résultats |
Dans le cas 1, les analyses mettent en évidence dans le sang périphérique de la prégabaline (7680μg/L), du diazépam (348μg/L), des opiacés (morphine=629μg/L, codéine=42μg/L) et de la méthadone (360μg/L). Dans le cas2, les investigations toxicologiques ont confirmé la présence de prégabaline (11 000μg/L) Enfin, dans le cas 3, la prégabaline (18 500μg/L) a également été identifiée associée à la méthadone (148μg/L).
Conclusion |
L’association prégabaline - dépresseurs du SNC est très probablement à l’origine du décès des trois victimes. En effet, la consommation concomitante de gabapentinoïdes et d’opioïdes (cas 1 et 3) augmenterait le risque de décès par dépression respiratoire, même pour des doses d’opioïdes non toxiques [2 ]. Les concentrations en prégabaline mesurées sont comparables aux concentrations post-mortem décrites dans la littérature dans une étude menée sur 70 échantillons sanguins [3 ]. Ces trois cas de décès, rapprochés dans le temps, confirment les données épidémiologiques actuelles [4 ] quant aux consommations associées au Lyrica® et illustrent l’extension rapide de l’usage détourné de cette molécule ici comme ailleurs. Cependant, il est à noter que le profil des trois victimes ne correspond pas au profil « classique » du consommateur (jeunes isolés ou adultes originaires d’Europe de l’Est). Compte tenu de l’usage abusif de plus en plus répandu de la prégabaline en France, il conviendrait de sensibiliser davantage les prescripteurs à cette problématique. Par ailleurs, comme dans d’autres pays, une régulation des modalités de prescription et de délivrance des gabapentinoïdes pourrait être envisagée afin de limiter ces pratiques récréatives.
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Vol 32 - N° 4S
P. S33-S34 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.